Yvette Théraulaz

Prix culturel Leenaards 2018

sept. 2018  Prix culturel Leenaards 2018

Fondation Leenaards - Lausanne

Yvette Théraulaz reçoit le prix culturel Leenaards

lire la suite

Yvette Théraulaz, laudatio

Chère Yvette Théraulaz, je ne sais pas si le Prix qui vous est décerné aujourd’hui couronne davantage la comédienne ou la chanteuse, l’artiste ou la femme. Il y a chez vous tant de talents cumulés qu’on ne peut pas les démêler. Comédienne qui chante, comme vous vous qualifiez vous-même, vous êtes à prendre entière, dans la plénitude de votre singularité.

Les membres du jury du prix Leenaards qui vous ont distingué ne disent pas autre chose. Ils évoquent votre présence lumineuse, simple et généreuse, votre conscience politique et sociale, votre défense des droits des femmes, qui font de vous l’une des artistes les plus marquantes du théâtre suisse, et déjà couronnée comme telle, en 2013, par l’Anneau Reinhart.

C’est une trajectoire incroyable, parce qu’aucune formation, aucun héritage ne vous destinait à monter sur une scène. Votre famille gruérienne a dû émigrer à Lausanne pour que votre père puisse vivre de sa profession de laitier. Alors bien sûr, il y a dans cette enfance l’expérience de l’injustice telle que l’ont vécue ces exilés catholiques en terre protestante, ces Fribourgeois accusés de venir manger le pain des Vaudois; et il y a aussi, par eux, la transmission de valeurs décisives, la droiture, l’honnêteté, l’humilité fière dont on retrouvera la trace dans vos spectacles et dans vos chansons, dans votre sensibilité aux mots du quotidien, aux réalités des « gens minuscules », selon votre belle expression.

Tout cela peut féconder des colères ou des envies de combat. Mais comment expliquer votre envol vers le théâtre, sinon par une passion venue d’ailleurs encore, irréductible aux circonstances? C’est elle qui vous conduit au Conservatoire d’art dramatique de Lausanne où vous êtes admise par dérogation à l’âge de 14 ans. Et puis, deux parrains vous encouragent : pour le chant, c’est Michel Corboz, via le Petit Chœur où vous vous êtes inscrite, et pour le théâtre c’est Benno Besson, auprès de qui, à l’âge de 14 ans, vous jouez dans « Sainte Jeanne des Abattoirs ».

Votre carrière sera donc double, de comédienne et de chanteuse. Elle est trop riche et trop connue pour être récapitulée ici. Vous avez été Nora, Emilie Dickinson, Vera Baxter, Penthésilée ou Lioubov ; vous avez été séductrice chez Schnitzler , pétulante chez Molière ; vous avez joué pour les plus grands, de Joël Jouanneau à Claude Stratz, au cinéma pour Yves Yersin et Jacqueline Veuve, et avec les plus grands aussi, comme dans votre récent duo en compagnie de Jacques Michel, dans « Automne » de Julien Mages.
Vous avez participé à deux aventures collectives qui ont contribué à renouveler le théâtre romand, dans ces années où tout était à refaire, au Théâtre populaire avec Charles Joris, puis avec André Steiger, avec qui vous avez fondé le T Act. Chanteuse, vous avez enregistré un nombre considérable d’albums. Et puis, surtout, vous avez créé vos propres spectacles, en forme de collages, où ça chante, où ça dit, ça rugit, ça rit, ça frémit, ça se souvient ; des spectacles qui sont aussi bien des manifestes politiques que des confessions personnelles, où l’histoire intime rejoint l’histoire collective, des spectacles où vous parlez de vous pour mieux parler aux autres.
Alors, quels sont les mots qui peuvent qualifier ce parcours à la fois si divers et si cohérent ?
Le premier qui vient à l’esprit, je crois, c’est le courage. Vous avez mis en acte, à chaque bifurcation, l’exigence de vérité plutôt que le désir de plaire. Vous avez refusé des propositions dorées sur tranche pour garder votre âme. Plus de 100 spectacles sans un compromis. Savoir dire non pour pouvoir dire oui, pleinement. C’est ainsi qu’on construit une œuvre, avez-vous dit un jour. Et c’est juste : vous êtes l’engagement incarné, votre parcours a des contours nets, identifiables, parce que vous vous obstinez à le miser sur des valeurs, - cette force de conviction qui aujourd’hui tend à se dilue dans le narcissisme connecté et dans l’obsession du chiffre. Vous, vous n’avez pas de smartphone. Et de nos jours, c’est un acte de résistance.
Le deuxième mot qui vient à l’esprit, c’est l’indignation. Celle de la petite fille que les sœurs de l’Ecole de Notre-Dame du Valentin, à Lausanne, ne questionnaient jamais en classe sur les prières qu’elle savait pourtant par cœur, parce qu’elle était pauvre, et qui a compris très tôt ce que la relégation sociale veut dire. Aussitôt après viendra l’expérience de la discrimination faite aux femmes, qui orientera si souvent vos spectacles, notamment « Histoire d’elles », pour ne citer que l’un des plus fameux.

Et puis j’en ajoute un troisième. C’est la bienveillance.
Vous avez un jour cité cette phrase de Beethoven : « Il n’y a pas d’autre marque de supériorité que la bonté ».
Eh bien, vous êtes une grande beethovénienne. Vous déclinez le verbe aimer à l’infini, dans votre engagement sans cesse tourné vers le meilleur de l’humanité, vers l’émancipation et la liberté, vers la compassion et la solidarité. C’est sans doute de savoir si bien aimer que vous êtes, Yvette Théraulaz, si bien aimée en retour. Il y a dans l’admiration qui vous est portée une affection très particulière, chaleureuse et fraternelle. Parce que vos rages et vos insolences, vos larmes et vos rires sont de ceux qui réveillent les consciences assoupies, qui rallument les émotions éteintes et consolent les blessures enfouies.
Et qui font rire, aussi. Car tout cela serait terriblement grave sans votre humour et votre autodérision, qui fait qu’en général vous êtes, dans vos spectacles, la première victime de votre lucidité et de vos piques.
Vous avez dit un jour que la phrase que vous détestez le plus c’est « Tais-toi !», parce que vous l’avez trop entendue dans votre enfance. Dieu merci, vous n’avez pas obéi. Vous n’en avez fait qu’à votre tête et qu’à votre cœur.

Alors, à vous qui savez si bien faire vivre Barbara dans le spectacle triomphal que vous lui avez consacré, cette Barbara dont la grâce obscure vous a touchée si fort, à l’âge de 15 ans, qu’elle vous a lancée sur la route de Paris pour suivre ses traces, Barbara dont le mal de vivre a pu être un double de celui qui vous a parfois accablée, et dont l’humour canaille serait un grand frère du vôtre, alors oui, nous avons envie de vous dire aujourd’hui, chère Yvette Théraulaz: Notre plus belle histoire d’amour, c’est vous.

Jean-Jacques Roth


Prix culturel Leenaards 2018


masquer le texte



AUTOMNE De Julien Mages

avril 2018  AUTOMNE De Julien Mages

Par L’Oiseau à Ressort, mise en scène de Jean-Yves Ruf

Un couple d’octogénaires vient au théâtre pour voir la pièce d’Horvath, Légendes de la forêt viennoise.

lire la suite

Ils se sont trompés d’horaire et se voient obligés de patienter durant une heure. Ce temps de l’attente devient un espace de parole. Ils se rappellent les mises en scène qu’ils ont déjà vues de la pièce, puis leur enfance, parlent de leur couple, de leurs enfants, de la mort qui approche. C’est toute une vie qui défile sous nos yeux avec ses joies, ses regrets et ses aveux. Un texte tendre et cruel, sur l’amour, la mémoire et la transmission. Le paysage partagé de deux vies qui s’entretissent.


AUTOMNE


masquer le texte



CRIME ET CHÂTIMENT De Fiodor Dostoïevski

févr. 2013  CRIME ET CHÂTIMENT De Fiodor Dostoïevski

Mise en scène Benjamin Knobil

Crime et Châtiment est considéré comme l’archétype des romans policiers modernes. On suit le cheminement psychologique de Raskolnikov, étudiant russe affaibli et sans le sou, tourmenté part un crime odieux ; celui d’une vieille usurière, Yvette Théraulaz, qu’il appelle « un pou », pour, selon lui, faire de la Terre un endroit meilleur.

lire la suite

Mais l’affaire ne se passe pas comme prévu et il est contraint d’assassiner aussi la sœur de l’usurière, une innocente jeune femme. Malade et affaibli, entre deux bouffées délirantes, il est pris entre les mailles de plus en plus aiguisées du juge et de Sonia, une jeune fille qui se prostitue pour aider sa famille. Poussé à bout, il décide de confesser son crime et est déporté en Sibérie.On ne présente plus Dostoïevski, grand maître de la littérature Russe du XIXe siècle auteur de chefs d’œuvre universels tels que les «Frères Karamazov», «Le Joueur» ou «l’Idiot». «Crime et Châtiment», chef-d’œuvre publié en 1866 est une lecture qui secoue, qui remue au profond de nous car à travers ses personnages outranciers Dostoïevski nous parle de nos sociétés violentes, du combat entre la conscience et la folie de nos pulsions ainsi que de nos interrogations métaphysiques.
On retrouve ces thèmes transversaux comme un fil rouge dans le travail d’écriture et de mise en scène de Benjamin Knobil. Et pour cause, car ce roman fut pour lui il y a vingt ans un choc littéraire qui n’a cessé d’irriguer sa sensibilité et sa réflexion. En adaptant pour la scène Crime et Châtiment, c’est l’occasion pour la Compagnie d’effectuer retour aux classiques tout en poursuivant son travail pointu de dramaturgie et d’écriture. Une adaptation théâtrale est clairement une histoire de choix ; Crime et châtiment est un roman fleuve de mille pages. La ligne directrice ici est de resserrer l’action sur les personnages principaux et de dessiner en creux les autres protagonistes.


Création à la Grange de Dorigny du 17 au 26 janvier 2013
Petit Théâtre de Sion du 31 janvier au 2 février 2013
Arbanel Treyvaux le 22 et 23 février 2013
Théâtre du Grütli à Genève du 5 au 24 novembre
Théâtre de la Madeleine à Troyes le 26 novembre 2013
Théâtre Palace à Bienne le 13 janvier 2014
Théâtre de l’Atalante à Paris du 17 janvier au 9 février 2014

Adaptation et mise en scène
Benjamin Knobil

Avec
Yvette Théraulaz (2013) puis Dominique Jacquet (2014)
Loredana von Allmen
Romain Lagarde
Mathieu Loth
Frank Michaux

Assistanat à la mise en scène
Agathe Cantero

Dramaturgie
Carine Corajoud

Lumière
Laurent Nennig

Décor
Jean-Luc Taillefert

Assistante décor et suivi de tournée
Stéphanie Lathion

Costumes
Olivier Falconnier

Décor sonore
Jean-Pascal Lamand

Transformation des têtes et accessoires
Viviane Lima (remerciements à François Junod)

Régie son et tournée
Julien Mayor


Crime et Châtiment / Extrait


masquer le texte



à découvert de manon pulver

mars 2012  à découvert de manon pulver

Mise en scène Daniel Wolf

Yvette Théraulaz joue Mme Paméla Brenner, la mère.
Stella a quarante ans aujourd’hui. La famille se réunit, on sabre le champagne, on essaie de faire vite: chez les Brenner, on n’aime pas le déballage. D’ailleurs, la maison familiale a été transformée en galerie d’art contemporain et il ne faudrait surtout pas que du désordre puisse surgir. Mais voilà que la mère arrive en retard.

lire la suite

Elle a amené le beau-père, qui a amené son chien, qui a tôt fait de se soulager sur le sol de la galerie: «Ce n’est pas sa faute, tout ce vide, ça déstabilise». Le tableau de famille est souillé. C’est le moment de régler ses comptes, à découvert. Il était temps: les Brenner sont au bord de la faillite.
Cela se passe tout près de nous, au bord du lac Léman. Tout près de nos catastrophes personnelles, quand la famille est en crise et que les générations s’opposent, quand le temps est venu de négocier le tournant de la quarantaine. Mais à travers les conflits qui animent le foyer Brenner se révèlent aussi les paradoxes et les bizarreries de notre société. L’intimité de la famille devient alors le terrain d’une analyse, mordante et drôle, du monde contemporain.

Manon Pulver est auteur et dramaturge. Ses textes ont été mis en scène notamment par Marie Vayssière et André Steiger.

Daniel Wolf est comédien et metteur en scène. Il travaille depuis plus de vingt ans au sein d’institutions et de compagnies indépendantes en Suisse romande. Il a récemment mis en scène un texte de Jon Fosse, Hiver, au théâtre Le Poche à Genève.
Après Au bout du rouleau, créé en 2007, le tandem fait son retour à la Comédie.

avec Elodie Bordas / Cédric Dorier / Thierry Jorand / François Nadin / Viola von Scarpatetti / Yvette Théraulaz
scénographie
Michel Faure et Carmen Perrin
costumes
Anna Van Brée
lumière
Michel Faure
vidéo
Michel Favre
mobiliers et accessoires
Noëlle Choquard
assistant à la mise en scène
Cédric Dorier


A découvert


masquer le texte



Barbelo, à propos de chiens et d'enfants de Biljana Srbljanovic

sept. 2009  Barbelo, à propos de chiens et d'enfants de Biljana Srbljanovic

Mise en scène Anne Bisang

L'action se passe aujourd'hui, dans la Serbie en transition. Chez moi, en bas dans un trou. Et autour. B.S.
Yvette Théraulaz joue le rôle de la femme à chiens à la Comédie de Genève puis tournée en Suisse, France, Belgique et Serbie

lire la suite

C’est donc une pièce à propos de chiens et d’enfants, de rôles inversés et
de situations renversantes. À propos d’un homme politique puissant, effrayé
par la boulimie de son fils de huit ans. À propos d’une jeune femme, sa
maîtresse, qui accouche d’un mystère mais pas d’enfant. D’un vagabond qui
appelle son chien « maman ». D’un flic qui n’aurait jamais quitté sa chambre
d’enfant. À propos d’errances et de retrouvailles. À propos d’un monde en
transition, sens dessus-dessous qui ne demande qu’à renaître. Une comédie
des commencements, une échappée belle, une fresque carnavalesque qui
nous entraîne sur les rivages de l’amour originel et de la métaphysique.
Un poème ample comme une tragédie grecque. Décoiffant comme une
fantaisie burlesque.

Avec : Fabrice Adde / Céline Bolomey / Gabriel Bonnefoy / Nicole Colchat / Armen Godel / Yvette Théraulaz / Jean-Benoît Ugeux / Lise Wittamer
scénographie Anna Popek
assistante à la mise en scène Stéphanie Leclercq
dramaturgie Stéphanie Janin
création lumière Laurent Junod
costumes Solo-Mâtine
création son Jean-Baptiste Bosshard
vidéo Alexandre Baechler
maquillages Arnaud Buchs
régie générale Edwige Dallemagne



masquer le texte



LA FORÊT d'Alexandre Ostrovski

janv. 2009  LA FORÊT d'Alexandre Ostrovski

mise en scène Philippe Sireuil

Prête à tout pour assouvir sa soif d'amour. Au Théâtre de Carouge, Yvette Théraulaz incarne la veuve roublarde de La Forêt du Russe Ostrovski (1823-1886). Elle joue Gourmijskaïa, la cinquantaine et des ardeurs de jeune fille en fleur

lire la suite

Gourmijskaïa qui trompe son monde, sous ses airs de douairière provinciale. Elle ruse, elle manipule, elle est le théâtre à elle seule. Et voilà que dans un halo d'automne, elle tombe le masque, désarmée à en pleurer devant sa servante scoliosée (épatante Janine Godi-nas). «Ne t'arrive-t-il pas de ressentir quelque chose quand tu vois un jeune homme?» Et sa domestique de répondre en vieille peau impudique, indiquant du doigt son sexe: «Oui, comme un petit nuage.»
Cette Forêt est ainsi, elle brûle, griffe, touche. Mais qu'est-ce que ce classique russe traité en farce et avec brio par le metteur en scène belge Philippe Sireuil? Une comédie sentimentale a priori. Sur une scène lambrissée et pentue, Yvette Théraulaz, impressionnante, machine sa romance. Elle palpite pour un jeune nigaud qu'elle a recueilli. Elle lui destine sa nièce, Axiou-cha, pauvrette qu'elle fait marcher à la baguette, pense-t-elle, manière de garder auprès d'elle le joli garçon. Parallèlement, elle vend sa foret en morceaux à un I marchand. Celui-ci se trouve
avoir un fils, amoureux... d'Axioucha.
Voilà pour l'intrigue. Mais La Forêt, c'est plus que cela. C'est d'abord le tableau assassin, manière Gogol ou Flaubert, d'une société vaniteuse et sotte. Ce sillon, Philippe Sireuil le creuse avec bonheur. Faux-culs et ventres de foire rembourrent une humanité qui se voûte et se tord, comique à force d'être vilaine.
La Forêt, c'est surtout une merveille d'hymne au théâtre. Deux acteurs débarquent chez la Gourmijskaïa. Le premier s'appelle L'Infortuné (Philippe Jeu-sette, quel coffre ! ), le second Le Veinard (Fabrice Schillaci). Us n'ont pas un kopeck, mais mille tirades dans la mémoire. L'infortuné, qui est aussi le neveu de la veuve, se fait passer pour un officier. Démasqué, il crache son mépris à la face de sa tante et de son entourage qui s'offusquent. C'est ravageur. Lui s'amuse: sa philippique est extraite des Brigands de Schiller.
Tout se joue ainsi sur la pente d'un monde perdu. Seuls les saltimbanques échapperaient à la débâcle, souffle Ostrovski. L'art comme salut. Douze comédiens impeccables incarnent cet idéal. Alexandre Demidoff

Mise en scène Philippe Sireuil
de la pièce d'Alexandre Ostrovski (1871)

Interprétation
Christelle Alexandre (Térionka)
François Beukelaers (Karp)
Olindo Bolzan (Milonov)
Janine Godinas (Oulita)
Philippe Jeusette (Infortunatov)
Michel Jurowicz (Boulanov)
Jean-Philippe Lejeune (Vosmibratov)
Bernard Marbaix (Bodaev)
Grégory Praet (Piotr)
Fabrice Schillaci (Fortunatov)
Yvette Théraulaz (Gourmyskaia)
Edith Van Malder (Axioucha)

Scénographie Vincent Lemaire, Philippe Sireuil
Costumes Catherine Somers
Lumières Philippe Sireuil
Création des maquillages Catherine Friedland
Musique David Quertigniez
Assistanat à la mise en scène Christelle Alexandre
Perruques Catherine Friedland
Production Théâtre National de Belgique (Bruxelles)


« Yvette Théraulaz, la musique d’une vie » par Marie-Pierre Genecand

(publié dans Le Temps le oct. 2013)

« Ce dimanche, Yvette Théraulaz reçoit l’Anneau Hans Reinhart, la plus haute distinction théâtrale suisse. »

lire l'article


masquer le texte



LES CORBEAUX De Henry Becque

sept. 2008  LES CORBEAUX De Henry Becque

Mise en scène Anne Bisang

Anne Bisang l'avait annoncé: dans Les Corbeaux, "l'exagération agit comme un fabuleux moteur comique" et le résultat tiendrait plus de la satire que du drame réaliste. En effet, à la Comédie de Genève, c'est sur le mode expressif du cinéma muet que Madame Vigneron, YvetteThéraulaz, et ses trois filles se font déplumer. Le tout dans un décor de tapisseries, toiles et praticables en mouvement, qui scandent le plateau comme autant de rideaux baissés à la face de ces femmes spoliées.

lire la suite

Trop maniéré? Oui et non. Le recours chronique aux clins d'oeil empêche bien sûr de compatir au destin des héroïnes d'Henry Becque. De pleurer pour ces femmes qui représentent, à travers les époques, tous les grugés de la société. Du coup, par manque de profondeur, on s'ennuie un peu. Mais le parti pris ironique permet aussi d'alléger ce texte de 1876. Datée dans ses trémolos et ses développements longuets, la pièce n'aurait sans doute pas résisté à un traitement premier degré.
Henry Becque est, dit-on, le précurseur des auteurs réalistes. Un des premiers à avoir renié les mélodrames dont les scénarios flattaient la bonne bourgeoisie pour des récits plus crus traquant les bas agissements de son temps. De fait, la triste histoire de la veuve Vigneron et de ses trois filles restitue sans détour la voracité des hommes d'affaires, profitant de l'inexpérience des femmes pour les dépouiller. Architecte, notaire, entrepreneur, pas un de ces hommes à chapeau ne sauve l'honneur. Et le défilé de cette cupidité dans le salon de la veuve éplorée tient du siège forcené.
D'où l'idée du jeu expressionniste inspiré du cinéma muet, et de l'accompagnement au piano. Lee Maddeford, musicien ingénieux, suit à la perfection les états de stupeur des personnages. "Méfiez-vous de M. Teissier!" prévient la colossale Madame de Saint-Genis (Mireille Herbstmeyer, impériale). Le pianiste plaque un accord lugubre. "Méfiez-vous de votre notaire!" Deuxième salve discordante. "Occupez-vous de vos intérêts. Méfiez-vous de tout le monde!" Et le piano de trembler sous les doigts de son maître.
Cette manière de jouer des codes séduit. D'autant qu'à la réception de ces conseils définitifs, Yvette Théraulaz ne perd pas en humanité ce qu'elle gagne en effet de manches. La comédienne varie à la perfection les variations de voix, de ton. Les "oh", les "ah", mine pâmée et bras en croix, avec toujours derrière un cœur qui bat. Même jeu pour les filles. En tête, Marie (Lolita Chammah, la Salomé de l'an dernier). Elle observe, singe, parodie et finit par copier, trait pour trait, les expressions des nantis. Sa cadette, Blanche (Prune Beuchat), a moins de réussite. Son parcours flirte avec la folie. La troisième, Judith la butée, semble trop tenir en laisse son interprète (Lise Wittamer). Chez les prédateurs, on remarque d'abord la voix insensée de Teissier. Une crécelle, un tocsin. Et le comique décalé de ce comédien qu'on imagine sorti des Des-chiens; juste. Jean-Claude Bolle-Reddat a en effet travaillé avec Jérôme Deschamps et Mâcha Ma-keïeff, fins experts dans l'art de l'excès. François Florey en notaire gangster et Frank Semelet en artiste opportuniste trouvent la veine fourbe de leur personnage. Avec Charles Joris en bon père de famille, ils mettent de l'huile, du swing dans une forme volontairement corsetée.
Enfin, outre les bouleversantes modulations d'Yvette Théraulaz, on admire le décor d'Anna Popek. Cet assemblage vertigineux de praticables qui roulent et de toiles qui tombent, sur lesquels s'affichent des tapisseries pas si sages. D'ordinaire, rien à craindre clé ces motifs cadencés, formes abstraites qui rassurent par leur régularité. Ici, dans les subtiles lumières de Jean-Philippe Roy, chaque nouveau panneau qui descend ou se dresse signifie plus d'opacité pour les victimes affolées. La forêt du conte avec les loups, voraces, comme prédateurs. De quoi se méfier.
Marie-Pierre Genecand /Le Temps septembre 2008

du 30 septembre au 19 octobre 08 à la Comédie de Genève
du 3 au 5 février 2009 au Théâtre National de Bretagne/Rennes

avec
Yvette Théraulaz, Frank Semelet, Léa Pohlhammer et Fabien Ballif, Jean-Jacques Chep, Paulo Dos Santos, Jacqueline Ricciardi, Valerio Scamuffa, Pierre Spuhler, Anne-Marie Yerly, Matteo Zimmermann

Piano
Lee Maddeford

Scénographie
Anna Popek

Costumes
Paola Mulone

Création lumière
Jean-Philippe Roy

Musique originale
Lee Maddefort

Maquillage et coiffures
Arnaud Buchs

Collaboratrice artistique
Stéphanie Leclercq

Dramaturges
Stéphanie Janin & Arielle Meyer MacLeod

Régie générale
Edwige Dallemagne

Assistante stagiaire
Sophie Martin-Achard

Assistante costumes
Laurence Fleury

Photo
Hélène Tobler

Coproduction Comédie de Genève-Centre dramatique, Théâtre National de la Communauté française de Belgique
Soutien à la tournée de Pro Helvetia, fondation Suisse pour la Culture



masquer le texte



page  ◄◄   2 3 4 5 6 7 8 9 10  ►►



copyright Yvette Théraulaz - conception et réalisation Fabrique d'images