Yvette Théraulaz
Mise en scène Jean-Claude Berutti
De la cerisaie, le théâtre de bois accueille le fantôme poétique. C'est une image projetée, autant dire la réalité d'un songe qui fugacement conduit à ce jardin immaculé qui fonde la pièce de Tchekhov ; une forêt de fleurs blanches, frémissant sous quelque léger souffle, fait son apparition sur la scène de Bussang, que hante la figure de Lioubov Andreevna, l'encore propriétaire de ce beau verger condamné. C'est Yvette Théraulaz qui lui donne chair: la comédienne helvète est une impressionnante faiseuse d'art dramatique, ô combien essentielle à cette «Cerisaie». Elle joue Lioubov, la propriétaire de La Cerisaie de Tchekhov dans la mise en scène de Jean-Claude Berutti au Théâtre du Peuple de Bussang
«La Cerisaie» de Jean-Claude Berutti a les traits d'une comédie, presque farce, mais à tout moment bousculée par la petite société humaine funambulique, au bord de la chute, qui la peuple de sa brûlante désespérance. Sous l'assaut des passions familiales, amicales et amoureuses, mais aussi d'un grand désordre matériel, chaque personnage, assez finement caractérisé par un texte qui est ici celui de la traduction d'André Markowicz et Françoise Morvan - leur même version de l'œuvre de Tchekhov avait été montée il y a dix ans par Stéphane Braunschweig, à Orléans, et voici quelques saisons à la Comédie Française - , fait cortège à la tragédie. On ne voit qu'elle sous les grimaces des rires qui costument la longue attente d'avant les adieux. Et c'est elle, encore, qui s'invite sous le masque des allégresses à la dernière fête donnée au domaine, conviant toute la troupe au désespoir, et qui boit et qui danse, au son de l'accordéon, du violoncelle, du violon. Cette scène, à tous égards, est la plus formidablement aboutie de cette «Cerisaie» dans la conjugaison efficace des effets de mise en scène, de scénographie et de jeu, amateurs et professionnels mêlés. C'est un tourbillon trivial et étourdissant, d'aIlées et venues logées dans le mouvement de paravents coulissants imaginés par Rudy Sabounghi fidèle et complice décorateur du travail de Berutti.
Mise en Scène Jean-Paul Wenzel
Avec cette frénésie des têtes chercheuses, Barker fouille la nature humaine, retourne les systèmes, requestionne l'informulable, L'impensable, … Non pas par sadisme ou masochisme Encore moins pour "faire la leçon" La langue de Barker ne souffre d'aucun didactisme. Elle décrasse la pensée, dévérouille les désirs, remet les compteurs à zéro, va fouiller les "gouffres" pour avoir une chance de "trouver la pépite" Peut-être ! Comme disait le poète !
Barker n’est pas tendre avec ses contemporains. Ni avec les autres d’ailleurs. Et sur ses «Blessures au visage » que Jean-Paul Wenzel créé aux Fédérés, il a jeté du vitriol à grands seaux. Pour faire parler les miroirs et ceux qui s’y contemplent, exciter les vanités et les caractères au fil d’une galerie de portraits tracés au scalpel. Quand il parle de «Blessures au visage», Howard Barker ne se fout pas de la gueule du monde. Qui dissèque par le menu les affres en proie auxquelles sont les pauvres humains confrontés à la bête figuration d'eux-mêmes. En dix-huit tableaux, l'auteur, dérangeant, dit-on, Outre-manche, assène quelques-unes de ces bonnes vieilles vérités toujours bonnes à dire quand elles n'ont pas force de loi. Faut dire qu'il est allé les chercher dans les tréfonds de l'âme en dénouant ce qui se joue de plus intime devant les miroirs. Sur la scène des Fédérés, où Jean-Paul Wenzel a créé la pièce, défile une cohorte de personnages trop beaux ou trop moches, faciès vérolé ou figure emblématique, gueule d'amour et visage oublié, menant la ronde infernale des questionnements. Une ronde justement, un cercle vicelard, matérialisé par un plateau dont le bord extérieur tournant amène les comédiens et leurs tourments qui s'en vont et s'en viennent. Et puis, au centre, le cœur de l'arène où la lumière se braque sur ce drôle de cirque qu'est cette apparence de nous même livré en pâture au regard de l'autre. Là où Barker, dans une langue au scalpel, lance le texte sur des montagnes russes qui rythment, sinon les émotions toujours vite refroidies, les sensations. On ne se tape pas sur les cuisses pendant 1 h 50, mais les situations, quelquefois, basculent promptement de la tragédie à la gaudriole. La mise en scène de Wenzel enfonce le clou et le vaste éventail de jeux donné par la dizaine de comédiens, bien à l'aise dans leurs meurtrissures, itou. Dieu est aveugle
Quoi leurs gueules? Qu'est ce qu'elles ont leurs gueules? «Nous sommes un, en dépit des règles et des goûts» envoie une coquette qui n'assume pas sa bobine, «incarcérée dans ce visage contre lequel elle a de sévères objections ». «Votre mâchoire, votre nez, votre bouche... sont partis. Et un œil, aussi» explique, froidement, au mutilé de guerre le chirurgien plastique pour qui «le visage n'est qu'une structure de fibres et de membranes». Une «beauté douloureuse à qui la contemple, les ruines d'une arrogance qui te donne de la dignité» complimente le jeune et bel amant d'une femme vieillissante. Et la future mariée qui se défile devant l'apocalyptique vision produite par la grenade, qui a ripé sur le piquet, qui a pété à la face d'un si beau promis. Et la prisonnière qui a passé 20 ans au trou pour avoir été haï ou aimé et qui espère trouver «sous la croûte de son endurance, la jeunesse d'un visage oublié». Comme si, seule, la vraie vie pouvait marquer les traits. Et le visage invisible d'un pseudo masque de fer dont la voix sensuelle suffit, d'un plaisir annoncé, à faire feuler les dames. En vain, puisque le dissimulé affirme qu'il ne peut faire l'amour sans visage... car on ne peut pas l'imaginer alors qu'il est " déjà. Encore, son excellence à la gueule vérolée "
Avec Felipe Castro, Marysa Commandeur, Anthony Debaeck, David Godet, Gaël Guillet, Alain Mergnat, Corinne Méric, Yvette Théraulaz, Sandrine Tindillière
Scénographie François Mercier / Conception Jean-Jacques Mielczarek / Création lumières Jean-Paul Wenzel et Pascal Ritchie Pérot / Création son Philippe Tivillier / Création costumes Marie-Cécile Winling / Régie générale Jean-Jacques Mielczarek / Régie plateau Jean-Jacques Mielczarek et Frédéric Kunze / Assistantes costumières Élisabeth Dordevic et Christine Thepenier / Plateau Stéphanie Dextre, Véronique Durantin et Séverine Yvernault / Affiches Séverine Yvernault / Décors Jean-Jacques Mielczarek / Construction Jean Jacques Mielczareck, Frédéric Kunze, Nicolas Nore, Richard Tello et Bruce Tisset / Régie Stéphanie Dextre et Pascal Ritchie Pérot / Equipe techniqueDominique Néollier, Thierry Pilleul et Laurent Lureault
Mise en Scène Denis Maillefer
Le 26 avril 1986, à 1 h 23, une série d’explosions détruisait le réacteur et le bâtiment de la quatrième tranche de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine. Trois années durant, une romancière et journaliste biélorusse, Svetlana Alexiévitch, a recueilli les témoignages des survivants. Elle en a tiré un ouvrage, paru en 1996, « La Supplication », ou, en russe, « la Prière de Tchernobyl ».
Lundi soir, 20 heures. Une épaisse fumée envahit cet ancien atelier, immense: plus de cent mètres de long et un plafond, avec verrière, qui semble accroché au ciel. Début du filage, ultime répétition qui précède la générale, un jour avant la première, qui a lieu ce soir. La tension est palpable. Les enjeux artistiques (et financiers, plus d'un demi million de francs de budget) sont à la mesure du lieu. Comment faire vivre ces personnages (ouvrier, épouse, cameraman, liquidateur, jeune fille, fonctionnaire ou vieille femme refusant de quitter la zone sinistrée) dans pareille halle? Comment y garder une part d'intimité? Comment donner densité et cohérence à ce patchwork de chants et de mots? Par terre ou accrochés au plafond, une soixantaine d'écrans TV permettent à la fois de voir le visage des comédiens, filmés en temps réel, et des images déjà enregistrées, en rapport direct ou indirect avec les textes. D'emblée se dégage une atmosphère prenante. La complexité du travail sonore et visuel n'entame en rien le souci de simplicité, de sobriété. Le lieu est suffisamment fort, comme la parole de ces témoins, pour ne pas en rajouter, ni dans le jeu ni dans la mise en scène. Les effets sont pourtant multiples, nécessitant d'ailleurs, lundi soir, deux ou trois pauses, pour les régler. Tâche ardue pour les comédiens: trouver le juste équilibre entre l'incarnation et la seule mise en voix. On reste impressionné par le fait de les entendre aussi bien, chuchotant en solo ou porté par le chœur - 240 petits haut-parleurs sont disposés entre les sièges. Au bout du compte, en moins de deux heures, le temps d'un montage dramaturgique serré, ont pris corps et âme une multitude de vies sacrifiées, dont la souffrance, la colère ou l'amour n'ont eu de cesse d'amplifier. Des morceaux de vie, puisés à Tchernobyl, mais qu'on sait universels. Lundi soir, le temps a filé à toute vitesse, mais pas l'émotion.
Interprétation Monica Budde , Anne-Shlomit-Deonna , Shin Iglesias, Yvette Théraulaz, Jean-Marie Daunas, Bernard Kordylas , Jean-Marc Morel, Gilles Tschudi , Roland Vouilloz
Avec le Choeur de la Supplication Direction : Marc Bochud Musique originale : Velma Mise en scène : Denis Maillefer Dramaturgie : Antoine Jaccoud Scénographie : Massimo Furlan Lumière : Dominique Dardant et Thomas Hempler Son : Philippe de Rham Vidéo : Steven Artels Costumes : Isa Boucharlat Maquillages : Leticia Rochaix Coach mouvement : Leland Patton Stagiaire assistante : Muriel Imbach Direction technique : Daniel Demont Régie : Marc Tuleu , Dominique Dardant, Julien Talpain Administration et communication : Sarah Neumann Assistante de production : Véronique Loeffel Stagiaire administration : Xavière Hammer Intendance : Claire-Do Frund Théâtre de Vevey : Nicole Schneider , François Saint-Cyr , Vincent Olivieri Traduction : Galia Ackerman et Pierre Lorrain Conseillère musicale et langue russe : Inna Petcheniouk Réalisation costumes : Nadia Cuenoud Karine Dubois Assistant son : Bernard Amaudruz Camerawoman : Yaël Ruta Cameraman : Olivier Kunz Cablewoman : Muriel Imbach Poursuites : Enrico Bertinotti, Gilles Cesure , Virginie Favre Auxiliaires techniques : Etienne Müller, Julien Neumann, Jean Monnin, Stéphane Weibel Stagiaire lumière : Thierry Tschudi Photographie de plateau : Mario Del Curto, Aline Paley
Le Choeur de La Supplication Nicole Ayrton, Nicole Barras, Raymond Bataillard, Daniel Brand, Jacques Caspary, Romaine Chappuis, Patrick Charbon, Dominique Chassot, Marie-Paule Chastellain, Simone Chevalley, Michel Cochard, Jean-Rodolphe Dellsperger, Laurence Duport-Comte, Anne-Lise Galley, Marja Gamboni, Jacques Gamboni, Anne-Marie Giarre, Corinne Grosjean, Patricia Jaques, Véronique Jaunin, Muriel Kübler, Danielle Leyvraz, Marie-Caroline Maurer, Grégoire Mayor, Laurence Mermodufour, Charles-Henri Monod, Caroline Neligan, Marianne Pidoux, Mathé Schaeli, Ruth Schlaepfer, Pierrette Schouwey, Jacqueline Seidel, Christian Talon, Myriam Terrin, Claire Vallotton, Anne Vrachliotis, Françoise Wannaz-Rickli, Elisabeth Wirz, Johannes Wirz, Grégoire Yersin, Barbara Zimmermann
Avec le soutien de Etat de Vaud, Loterie Romande, Pro Helvetia, Banque Cantonale Vaudoise, Pour-cent culturel Migros, Fondation Nestlé pour l’Art, Fondation Sophie und Karl Binding, Association du Choeur d’Orphée, Ville de Vevey, Hôtel des Trois Couronnes, CFF, L’Hebdo, TMS – Technique pour la musique et le spectacle
La Supplication
La supplication / Extrait
Mise en scène Anne-Marie Delbart
Un hommage vibrant à la joie de vivre avec des textes de poètes Spectacle musical d'Yvette Théraulaz, Piano et arrangements Dominique Rosset
Chansons, textes et musiques Raymond Devos, Anne Sylvestre, Gilles Deleuze, Clarisse Lispector, Michel Garneau, Norge , Philippe Gérard, Henri Michaux, Michèle Bernard, Ghérasim Luca Christian Bobin, Robert Desnos, France Léa, Yvette Théraulaz, Viviane Forrester, Marie-Paule Belle, Luigi Pirandello, Louis Aragon, Jean Ferrat, Le Clézio Roland Dubillard, Roland Topor, Jacques Brel, Berthold Brecht, Kurt Weil, Alain Souchon, Botho Strauss, Antoine Pol, Georges Brassens, Albert Gaston Pujol, Pothier, Pascal Auberson, Michel Butel, Barbara, Paul Verlaine, Danielle Messia, Jean-Pierre Schlunegger, Violeta Parra, Maurice Fanon
SE FAIRE HORIZON
Réalisation Maurizio Giuliani
Interview réalisée en 2001 lors du spectacle " la supplication" mise en scène Denis Maillefer
copyright Yvette Théraulaz - conception et réalisation Fabrique d'images